NOIRE

La vie de .

"La vie de femme noire c’est
une vie de karatéka."
-- Kolia, 33 ans, responsable dans une ONG


"Je suis victime de discriminations en tant que femme. Et on me met encore plus bas, en me disant que
je vaux peut-être encore moins, parce que je suis noire."
-- Océane, 20 ans, étudiante en école d’infirmière


"Ce n’est jamais explicite, une discrimination.
La France est le pays le plus hypocrite que je connaisse."
-- Laury Ann, 26 ans, contrôleuse de gestion

Nous avons demandé à 17 femmes noires de témoigner, de nous raconter anecdotes et souvenirs.

Enfance, adolescence, travail, vie de couple :
elles nous ont raconté leur histoire.

Celle de femmes noires.

À
l'école

“La première remarque raciste que j’ai eue c’était quand j’étais à l’internat, en 4ème. On m’a traitée de ‘bâtarde’, parce que je suis métisse. Ni noire, ni blanche, donc je suis bâtarde. Sur mes cheveux, l’insulte qui revenait le plus souvent était ‘chevelure de mouton’.”
-- Mélina, 22 ans, étudiante en journalisme

"J’ai grandi dans une ville qui était majoritairement asiatique, donc j’étais une minorité dans une minorité. La première remarque remonte à la maternelle, elle venait d’un petit camarade asiatique qui ne voulait pas jouer avec moi, tout simplement parce que j’étais noire. Il me disait que les Noirs étaient des sauvages, qu’on montait dans les arbres..."
-- Laura, 30 ans, directrice technique d’une start-up

“Quand j’étais en primaire, un petit garçon m’a dit que j’étais moche parce que j’étais noire. Un garçon m’a aussi traitée de singe. J’étais trop petite pour savoir ce que ça voulait dire : pour moi un singe, c’était juste un animal. C’est plus tard que j’ai compris que c’était une insulte raciale. Quand je l’ai dit à la maîtresse, elle était gênée : j’ai compris qu’il y avait un malaise.”
-- Océane, 20 ans, étudiante en école d’infirmière

“Je me souviens qu’on m’avait dit à 3 ans qu’on ne voulait pas être mon amie car j’étais noire, donc sale. Et bien sûr plein de questions sournoises sur mes cheveux. 'Tu les laves ? Tu mets des faux cheveux parce que t’as pas de cheveux ? Pourquoi tu ne te les lisses pas ?'. Des mains sales qui tiraient sur mes tresses avec toujours ce regard interrogateur...”
-- Mel, 22 ans, étudiante en droit

“À l’école primaire, j’étais l’une des seules petites filles noires. Un petit garçon m’a dit que je ne pouvais pas être son amoureuse parce que j’étais noire. Un petit garçon m’embêtait souvent quand mes cheveux crépus étaient lâchés, en me traitant de 'savante folle', et c’était douloureux de me rendre compte que je ne ressemblais pas aux standards des autres enfants.”
-- Angela, 21 ans, étudiante en science politique et sociologie

“Un jour ma fille est rentrée en pleurant de l’école, parce qu’un camarade lui avait dit: 'de toute façon ta mère est noire, elle pue...' Des enfants qui disent ça, c’est qu’ils entendent ça chez eux.”
-- Bernadette, 44 ans, aide-soignante

Être
ado

"Quand j’étais petite, à part Kirikou et Aya de Yopougon, je ne voyais rien qui me représentait.”
-- Mélina, 22 ans, étudiante en journalisme

"J’ai fait une puberté assez précoce, à la fin du primaire : en 5ème j’étais déjà formée. Très vite j’ai eu l’impression d’être un bout de viande. Des regards salaces tout le temps, des remarques graveleuses… ça pouvait venir d’un père de famille de 40 ans en train de faire ses courses avec sa famille, ou de camarades de collège ou lycée. Du coup très vite ma réaction a été de cacher ce corps que je n’arrivais pas à contrôler.”
-- Laura, 30, directrice technique d’une start-up

"Il y a un truc qui m’exaspère, quand j'achète du maquillage : ils me donnent des échantillons… de fond de teint beige ! Sans déconner. Qu’est-ce que je vais en faire ? Les vendeuses elles ne voient pas où est le problème. On en rigole, je me fous un peu de leur gueule, mais merde quoi… Faut vraiment faire attention à comment ça peut être reçu."
-- Kolia, 33 ans, responsable en ONG

"J’ai eu quelques années durant le lycée où j’ai refusé d’aller nager pendant l’été parce que je ne voulais pas bronzer et être plus noire."
-- Aminata, 23 ans, étudiante en sécurité internationale

"D’après certains je suis 'assez claire de peau', 'avec ton teint ça va, mais plus noire non'... Ça me choque moi ça."
-- H., 17 ans, terminale ES

“Quand j’avais 14 ans je voulais faire du mannequinat. Et à chaque fois que j’allais sur des sites de castings, leurs modèles c’était des Blancs. Jamais je ne voyais d’enfants noirs à qui je pouvais m’identifier. Parfois même, le genre de modèles qu’ils cherchaient était défini par ‘type caucasien’, ou c'était implicite avec par exemple ‘yeux bleus’ - on sait très bien qu’il y a une chance sur quinze mille de trouver un noir avec des yeux bleus… C’est comme si on nous disait ‘ça c’est plus pour eux et pas pour vous’”.
-- Sena, 18 ans, BTS Commerce

Les études

“En fin de 3ème j’étais première de ma classe. Vient le moment où je vais voir la conseillère d’orientation.Le premier truc dont elle me parle, c’est un BEP secrétariat. Là je bugge, je ne comprends pas. Mais j’ai 13 ans, alors je me dis que si elle m’en parle, c’est qu’il faudrait peut être que je l’envisage. J’en ai parlé à mes parents qui m’ont dit : ‘ça ne va pas se produire’. A priori elle ne conseillait pas à toutes les filles de ma classe de faire un BEP secrétariat - je n’ai rien contre les BEP secrétariat - mais là il n’y avait aucun rapport, elle n’a même pas lu mon dossier.”
-- Laura, 30, directrice technique d’une start-up

“Quand je suis arrivée en école de commerce, j’ai créé une liste BDE. J’ai eu droit à des remarques qui sont allées assez loin, qui ont été reportées à l’administration. On m’a dit que ce n’était pas représentatif d’avoir une Noire qui fasse partie d’une école de commerce.”
-- Wendie, 26 ans, auteure

“Je me souviens de mon premier jour en école de commerce, on nous a mis en groupe. J’étais la seule Noire dans le mien, et en fait je parlais, mais personne ne m’écoutait. J’avais beau être Noire, j’étais transparente (rires). Personne ne m’a donné de missions à faire, visiblement pour eux je n’avais pas les compétences nécessaires pour le faire. Et c’est la première expérience difficile où je me suis dit, 'putain je veux rentrer chez moi quoi'.”
-- Laury Ann, 26 ans, contrôleuse de gestion

“Avant d’arriver à Paris, j’étais à Bordeaux dans une école de management et j’étais la seule noire de ma classe. En classe je posais des questions parce que j’étais l’une des seules à pas comprendre par exemple en gestion - j’étais très nulle. Et en fait c’était lever la main, poser des questions au prof, et être totalement ignorée, mais TO-TA-LE-MENT. Sans réponse.”
-- Émilie, 27 ans, manager dans un restaurant

“On était en TD, c’était sur un sujet par rapport à l’histoire des Noirs ou de je ne sais plus quoi. J’écoutais mon cours, et d’un coup tout le monde s’est retourné vers moi et m’a regardé en mode ‘donne ton avis’. C’était un peu marrant mais en vrai avec du recul, c’est pas normal.”
-- Migna, 23 ans, basketteuse professionnelle et professeure d’EPS

"J’étais avec un des garçons qui était noir aussi, et une fille nous a demandé : 'mais comment vous avez fait pour rentrer dans cette école ?' Elle implique beaucoup de choses qu’elle ne dit pas... tu ne sais pas quoi dire, alors tu laisses tomber. Mais tu te rappelles."
-- Aminata, 23 ans, étudiante en sécurité internationale

“À un de mes partiels, j’ai discuté alors qu’on n'avait pas rendu nos feuilles : ça peut être éliminatoire. Je me tais, et le surveillant me regarde en me disant ‘oui madame, on n’est pas dans la zone ici.’ Il veut dire que parce que je suis noire, je viens de la ‘zone'..."
-- Océane, 20 ans, étudiante en école d'infirmière

Dans la
rue

“J’étais dans la rue avec mes copines noires, au pied d’un immeuble. C’était un peu sale : il y avait des déchets laissés par terre. Un monsieur âgé qui habitait dans cet immeuble nous a dit 'on vous accueille ici, vous venez en France, et vous dégradez !'. Il nous accusait pour quelque chose qu’on n'avait pas fait, juste pour notre couleur de peau.”
-- H., 17 ans, terminale ES

“J'avais 17 ans et je rentrais d'un baby-sitting. Un mec en moto s'est arrêté à mon niveau alors que j'allais traverser la rue. Juste pour me dire : 'sale noire'".
-- Awa, 27 ans, intérimaire dans la restauration

“J’avais 6 ans, j’étais avec ma petite soeur qui avait 4 ans et notre mère dans un festival. Ma mère nous a dit : ‘Rapprochez-vous à l’avant, avec les enfants’. On s'est avancé. Tout près du podium, il y avait une petite fille avec sa mère, elles étaient toutes les deux blondes, et blanches. J’ai demandé : ‘Excusez-moi, est-ce qu’on peut passer ?’ La petite a commencé à bouger, et la mère a dit : ‘Non, on ne bouge pas pour de la merde’.”
-- Aminata, 23 ans, étudiante en défense internationale

“Dans la rue, en termes de drague, c’est souvent par la couleur que ça passe. On me dit souvent ‘Eh la tisse-mé !’ Et quand c’est pas ma peau, et bien c’est mes dreads. Le gars est dans la rue, il faut bien qu’il trouve une phrase d’accroche !”
-- Clarisse, 20 ans, éducatrice spécialisée

“J’ai vécu dans un village dans le sud de la France, et beaucoup de personnes âgées changeaient de trottoir quand elles me croisaient.”
-- Océane, 20 ans, étudiante en école d'infirmière

“En hiver on me dit : 'Ah, il fait froid, vous avez pas l’habitude !'. Et en été: 'Ah, il fait chaud, mais toi tu as l’habitude !'. C’est pas parce que je suis africaine que je suis obligée de supporter 40 degrés... Pas plus tard que ce matin, en me voyant sortir dans le froid mon voisin m’a lancé “Ah tu n’as pas l’habitude hein !'. Mais putain, ça fait 25 ans que je suis là…!”
-- Bernadette, 44 ans, aide-soignante

En
soirée

“On allait en boîte avec mon copain. Un videur black nous voit arriver : 'c’est une soirée réservée aux Blancs !' Je lui dis : 'tu te fous de ma gueule ?' Il a répété : 'Monsieur peut rentrer, mais pas madame'. On n'est pas rentrés, mon copain a aussi été choqué.”
-- Bernadette, 44 ans, aide-soignante

“J’étais à une soirée, quelqu’un m’a dit ‘je t’aurais bien baisée’. Mais c’est sorti de nulle part. Là je me suis dit ‘je suis un objet sexuel’."
-- Laury Ann, 26 ans, contrôleuse de gestion

“Pendant une soirée, un garçon très alcoolisé a surgi de nulle part pour essayer de me mordre les cheveux ! Je n’ai même pas d’explication pour ça, tellement ça me paraît fou.”
-- Angela, 21 ans, étudiante en sciences politiques

"Une fois j’étais en soirée avec une amie qui était plus noire que moi, qui est nigériane, et un mec m’a dit 'vous êtes toutes les deux belles, mais jusqu’à toi ça passe, après c’est trop noir'"
-- Aminata, 23 ans, étudiante sécurité internationale

“En toute fin de soirée, à la Fête de l’Huma, un mec assez grand et blond me voit et lâche un ‘WOW, t’es superbe’. Je lui propose de partager mes chichis. Il a commencé à nous suivre, mais sans être agressif. Très rapidement il me dit ‘J’ai plein de copains blacks'. Je voulais m’en défaire, mais il me retient. Je dis 'NON' à nouveau mais il revient à la charge et me dit : ‘t’as l’air d’une nana super, gentille et t’as l’air d’être propre’. Est-ce que comme j’ai l’air d’être noire je dois être mal lavée ? Je me suis sentie humiliée.”
-- Awa, 27 ans, intérimaire dans la restauration

“Cet été, je suis sortie avec un copain dans une soirée brésilienne, et une fille a commencé à me dire des trucs racistes en étant bourrée. Je suis partie en vrille, ça a failli se transformer en bagarre générale. À la fin un mec est venu me voir pour me dire qu’il ne fallait pas que je m’énerve comme ça, qu’une femme ne devait pas réagir violemment. Je me suis dit que non, je suis un être humain comme tout le monde, je ne vois pas pourquoi je devrais toujours être la personne qui encaisse. C’est fatiguant de toujours passer pour la relou, celle qui rabache les mêmes choses, qui est toujours en colère. Mais on a le droit d’être en colère.”
-- Wendie, 26 ans, auteure

EN COUPLE

"Avec mon mari, on a sympathisé avec les boulangers du village. Eux, savent tout ce qui se passe dans les environs et ils nous ont avoué que tous les gens du village - même eux - pensaient que mon mari m’avait choisie ‘sur catalogue’. J’ai répondu que non, je l’avais rencontré à la fac de médecine. Mais il y avait cette sorte de fantasme dans le village où j’étais la fille des îles.”
-- Liva, 46 ans, médecin

“En terme de relations amoureuses, j’ai déjà eu le sentiment, quand j’étais à la campagne par exemple, que j’avais pas un franc succès… Et pour moi, ce n’était pas étranger au fait que je ne faisais pas partie des critères de beauté des gens autour de moi. Je ne correspondais pas à ce que recherchaient les garçons de mon âge.”
-- Angela, 21 ans, étudiante en sciences politiques et sociologie

“Quand j’étais élue étudiante au niveau national, j’ai chopé un des administrateurs, un mec de Lyon. Il m’a dit, alors que ça faisait plusieurs fois qu’on se chopait : 'mais on peut pas, qu’est-ce que diraient les potes…?' Ça m’a mis un coup de poignard dans le coeur.”
-- Kolia, 33 ans, responsable dans une ONG

“Les Blancs, ils t’exotisent. J’ai failli avoir un copain qui m’appelait ‘ma gazelle’ ou ‘ma petite mangue’ mais je trouvais ça trop bizarre cette idéalisation. Je suis pas un fruit exotique en fait.”
-- Émilie, 27 ans, Manager dans un restaurant

“J’ai connu mon mari en Afrique, au Burkina Faso. Mon premier ressenti avec le racisme, c’est quand ses parents sont venus nous rencontrer au Burkina. Ça s’est super mal passé : ils n’ont pas accepté qu’il veuille se marier avec moi. Ils lui ont dit : 'si tu rentres avec elle, tu n’es plus notre fils'. Surtout à l’époque, ils avaient peur que je lui prenne tout. Ils pensaient : 'elle a juste envie de venir en France, et après elle le lâchera'. Ils ont fini par accepter, c’était ça ou perdre leur fils…”
-- Bernadette, 44 ans, aide-soignante

AU
TRAVAIL

"Je jouais pour le club de Clermont-Ferrand, en déplacement à Toulon. On était deux Blacks dans l’équipe, le coach était métis. Arrivés dans le gymnase, il y a eu des cris dans les tribunes, remplies de parents : ‘bande de noirs, sales noirs’. J’étais jeune, j’étais en équipe minime : à cette époque-là normalement tu t’éclates sur le terrain et tu partages des gâteaux à la fin du match.”
-- Migna, 23 ans, basketteuse professionnelle et professeure d’EPS

"Quand je rentrais dans une chambre d'hôpital, on me demandait toujours qui était le docteur. J’ai toujours répondu que c’était moi, mais c’était une bataille. Dans le milieu hospitalier, une femme noire est aide-soignante, c’est tout. C’est la norme.”
-- Kolia, 33 ans, responsable de santé dans une ONG

“Un jour je me suis occupée du check-in d’une équipe d’un gros business. Il y avait un américain de 40-50 ans, hyper fermé. Je souris, lui demande s’il a fait bon voyage. Et au moment de lui prendre son bagage, il me dit : ‘Non, je ne vous fais pas confiance’. Il a ensuite confié sa valise à un de mes collègues, un homme blanc.”
-- Awa, 27 ans, intérimaire dans la restauration

“Parfois des copains ou des copines me disaient : 'Tu ferais une bonne députée, il faudrait que tu ailles te faire élire aux Antilles.' Et moi je répondais toujours: 'J’ai pas à aller me faire élire aux Antilles puisque je vis ici !' Ça ne leur semblait pas inimaginable.”
-- George, 69 ans, députée et ex-ministre des Outre-Mer

“Je travaillais dans une banque, un de mes collègues avait un petit côté fétichiste à mon égard du fait que j’étais la seule fille noire. Un jour on descend les escaliers pour aller au réfectoire et là je le vois rester à l’étage du dessus, avec un regard hyper insistant sur la jupe que je portais. Je me rappelle plus exactement ce que je lui ai dit mais il m’a répondu : 'Ah, bah j’mate, t’as un joli p’tit cul'. Qu’est-ce que tu veux dire à ce moment-là ? Je suis restée tétanisée.”
-- Laura, 30, directrice technique d’une start-up

“J'étais en stage, dans un magasin de cosmétique. Une dame est rentrée et a dit ‘ça sent le noir’.”
-- Sena, 18 ans, BTS Commerce

Voyager

“Je suis allée rendre visite à un copain en Italie. À la fin du séjour, au bout d’un mois, un de ses copains un peu pété en soirée me dit ‘Je suis content de t’avoir rencontrée parce qu’on avait un peu peur avant que t’arrives. Quand D. nous a dit que ça allait être une Noire qui allait venir, et qu’on t’a vue sur Facebook, on pensait que t’étais méchante, que tu volerais, des trucs comme ça’. Le fait est qu’il était en train de me dire qu’il se rendait compte de sa bêtise d’avoir pensé ça.”
-- Clarisse, 20 ans, éducatrice spécialisée

“Il y a des pays dans lesquels je m’interdis de voyager seule. J’ai eu quelques mauvaises expériences dans certains pays. En Tunisie on m’appelait ‘négresse’ dans la rue, ou on faisait des bruits d’animaux.”
-- Émilie, 27 ans, manager dans un restaurant

“Avec le basket, on était en stage en équipe de France en Serbie. Dans l’équipe, on était toutes des immigrées, il y avait plein d’origines : Côte d’Ivoire, Sénégal, une était même née en Serbie avec double nationalité - mais bon elle jouait pour la France peu importe la couleur. Pendant le stage on était critiquées. Les autres disaient : ‘C’est l’équipe du Sénégal pas l’équipe de France’. D’ailleurs en Serbie les gens nous ont appelé ‘chocolita'.”
-- Migna, 23 ans, basketteuse professionnelle et professeure d’EPS

“Je suis allée au Portugal, je ne suis pas prête d’y retourner. Y en a pas beaucoup de Blacks au Portugal, et c’était horrible. Quand on prenait le métro, les regards… Vraiment, on ne se sentait pas à sa place : le regard était sévère. Ce regard-là, je ne l’ai jamais ressenti en France.”
-- Bernadette, 44 ans, aide-soignante

Et le
futur ?

“Déjà il y a un truc qui me pose question dans ce pays : on n'a pas de statistiques ethniques- alors qu'on a des statistiques sur l’intégration des femmes dans le monde de l’entreprise, sur différentes thématiques… Ce n'est pas pour dire que les chiffres résoudront tout, mais ça aide à prendre conscience qu’il y a un problème. Pour moi aujourd’hui il n’y a pas de problème officiellement : donc il n’y a pas de solution qui est cherchée.”
-- Laura, 30, directrice technique d’une start-up

Les barrières sont mises parce qu’on grandit avec. Il faut apprendre avec le temps à les retirer. Mais dans ce cas là, il faut que les deux côtés fassent un bout de chemin : il faut que Blancs et Noirs puissent s’accepter sans avoir des préjugés ou de mauvaises remarques.”
-- Sena, 18 ans, BTS Commerce

"Je crois qu’il y a pas mal de personnalités clés qui font avancer les choses par à-coups. Comme Nicky Minaj. Ell a réussi à percer dans un milieu avec que des mecs et à gagner le respect en tant que meuf hypersexualisée ! Avant, ces filles étaient là dans les clips comme potiches, objets. Et là, on a une meuf qui sait chanter, elle sait rapper, elle met K.O tout le monde, et elle se permet d’avoir le luxe d’être objet. Elle arrive à être et sujet et objet, en fonction de ce qu’elle décide. C’est un vrai tour de force : ça permet de faire une transition tranquille, d’objet à sujet. On a encore du chemin pour être seulement sujet, mais on est sur la bonne voie."
-- Kolia, 33 ans, responsable en ONG

"Je pense que si moi j’ai l’impression qu’il y a une évolution positive, c’est parce qu’il y a une évolution positive par rapport aux Noirs peut être, mais une dégradation quand il s’agit d’autres minorités : les réfugiés, les arabes, les musulmans,…"
-- Aminata, 23 ans, étudiante sécurité internationale

J’ai tendance à penser que beaucoup de progrès ont été faits. Quand j’ai été candidate à la députation, je lançais ça comme une bataille, une candidature de témoignage pour dire “C’est pas normal il faut que les choses bougent” : je ne pensais pas que ça allait marcher. Les gens avaient moins de préjugés que ce que je pensais. La première étonnée de voir qu’on avait gagné, c’était moi.”
-- George, 69 ans, députée et ex-ministre des Outre-Mer

Crédits

Réalisation
Céline Delbecque, Maïa Courtois & Marie Zafimehy

Code
Marie Zafimehy

Graphisme
Lucie Meslien @eaudesouurce

Musique
Kevin McLeod - “Electro Cabello”, “Light Thought var 1”, “Ave Marimba”
Hicham Chahidi - “Fête de lune”
Aurélien Zafimehy - "Future"

Remerciements
Mélina, Océane, Kolia, Laury Ann, George, Awa, Bernadette, Angela, Migna, Laura, Liva, H., Sena, Aminata, Mel, Emilie, Clarisse et Wendie pour les témoignages, souvent intimes, qu’elles ont accepté de nous confier.